Retour aux articles

Sanctions disciplinaires : précisions sur la possible prise en compte de l’altération du discernement au moment des faits

Public - Droit public général
09/03/2023
Dans un arrêt rendu le 17 février 2023, le Conseil d’État rappelle que l’état de santé d’un fonctionnaire peut être pris en compte afin de déterminer s’il est ou non responsable de ses actes constitutifs de fautes. Il juge en l’espèce qu’un agent auteur de propos dégradants et de menaces physiques auprès de collègues ne peut être considéré comme irresponsable de ses actes par la simple présentation d’un certificat médical.
Un fonctionnaire territorial exerçant ses fonctions au sein d’une maison de retraite a été révoqué du fait de manquements disciplinaires, et a demandé au tribunal administratif (TA) l’annulation de la sanction. Après un rejet par le TA, l’agent obtient gain de cause en appel, la cour administrative d’appel (CAA) ayant jugé que son discernement était altéré au moment des faits en se fondant sur un certificat médical. La CAA a en effet considéré que du fait de l’état de santé de l’agent, la sanction de la révocation n’était pas proportionnée à la gravité des fautes commises.
 
Dans un arrêt rendu le 17 février 2023 (CE, 17 févr. 2023, n° 450852, Lebon T.), le Conseil d’État, saisi par la région Occitanie, qui employait l’agent, considère au contraire que l’agent était responsable de ses actes au moment des faits et valide la sanction, qu’il juge proportionnée.
 
En l’espèce, il était reproché à l’agent d’avoir adressé à l’une de ses collègues et à une supérieure hiérarchique « tant à l’oral qu’à l’écrit, des propos extrêmement déplacés, agressifs et dégradants, dont plusieurs ayant un caractère sexuel et comportant des menaces physiques ». L’agent avait également adressé à sa collègue qui n’était pas sa supérieure « un grand nombre de courriers électroniques contenant des ordres comminatoires ». Les destinataires des propos avaient porté plainte pour harcèlement moral.
 
La Haute cour considère que ces manquements sont bien fautifs et justifient une sanction disciplinaire.
Elle note que l’agent avait déjà fait l’objet d’une mesure de révocation quelques années auparavant mais qu’un rapport d’expertise psychiatrique avait conclu à son irresponsabilité. En ce qui concerne les faits à l’origine de l’affaire d’espèce, l’agent soutenait que son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes, comme lors du prononcé de la première sanction. Le Conseil d’État considère en revanche que cet état de santé ne faisait pas obstacle au prononcé d’une sanction disciplinaire. 
 
État de santé de nature à altérer le discernement
 
Le Conseil juge qu’eu égard à la gravité des faits, « et compte tenu de ce que l’état de santé mentale (de l’agent) n’était pas de nature à altérer son discernement au moment des faits », la sanction de la révocation, qui est la sanction la plus lourde pouvant être prononcée à l’égard d’un fonctionnaire, n’est pas disproportionnée (voir CGFP, art. L. 533-1, et sur les quatre groupes de sanctions, voir Le Lamy fonction publique n°  1625).
 
Il reprend ainsi un raisonnement qu’il avait eu par le passé, puisqu’il avait déjà jugé qu’un fonctionnaire privé de tout discernement au moment des faits constitutifs de faute devait être regardé comme irresponsable de ses actes et ne pouvant être sanctionné (CE, 29 mai 2002, n° 215958, min. de l'Intérieur ; CE, 29 déc. 1995, n° 135187). Plus récemment, il avait considéré a contrario que si les troubles de l'agent ne pouvaient pas être regardés comme ayant aboli chez tout discernement, l’état de santé mental de l’agent ne faisait pas obstacle à ce qu'il soit regardé responsable de ses actes et sanctionné (CE, 29 mars 2019, n° 412543).
 
Sur l’affaire jugée le 17 février, le rapporteur M. Stéphane Hoynck indique qu’il convient de distinguer le trouble ayant aboli le discernement, rendant la personne irresponsable pénalement, du trouble altérant le discernement, qui peut éventuellement justifier une sanction moins sévère. Il considère en l’espèce qu’« il est difficile de considérer que l’intéressé aurait été dans une situation  d’abolition du discernement, alors que les faits en litige se sont déroulés sur plusieurs mois, et  qu’aucun des certificats qu’il produit ne va dans ce sens ». Le Conseil va dans son sens en validant la révocation du fonctionnaire.
Source : Actualités du droit