Retour aux articles

Conditions de mise en cause des associés majoritaires

Affaires - Affaires, Sociétés, Commercial
01/10/2025

La Cour de cassation, chambre commerciale, 9 juillet 2025, n° 23-23.484, précise la recevabilité des actions en nullité pour abus de majorité. Les associés minoritaires peuvent solliciter l’annulation de délibérations sociales en dirigeant leur action uniquement contre la société, sans nécessairement mettre en cause les associés majoritaires.

Cette solution marque une évolution en droit des sociétés. Elle allège la charge procédurale des minoritaires lorsqu’ils contestent des décisions contraires à l’intérêt social.

Rappels sur l’abus de majorité

Dans les sociétés, les décisions se prennent à la majorité. Un abus de majorité est caractérisé lorsque des associés majoritaires utilisent leur position pour adopter des résolutions contraires à l’intérêt social et créant une rupture d’égalité entre associés.

La jurisprudence retient deux conditions cumulatives :

  • Contrariété à l’intérêt social : la décision ne sert pas la pérennité ni le bon fonctionnement de la société.
  • Rupture d’égalité entre associés : un avantage est réservé aux majoritaires au détriment des minoritaires.

Des exemples classiques existent : mise en réserve systématique des bénéfices ou augmentation de capital uniquement destinée à diluer la participation d’un minoritaire. L’action en responsabilité repose sur l’article 1240 du Code civil. Elle vise la réparation du préjudice causé par les majoritaires. L’autre voie consiste à agir en nullité des décisions contestées, sur le fondement de l’article 1844-10 du Code civil.

Apport de l’arrêt du 9 juillet 2025

En l’espèce, des associés minoritaires d’un groupement foncier rural demandaient l’annulation de délibérations qu’ils estimaient contraires à l’intérêt social. Leur action visait seulement la société. La cour d’appel l’avait déclarée irrecevable, au motif que les majoritaires devaient être attraits à la cause. La Cour de cassation censure cette approche.

La Haute juridiction opère la distinction suivante :

  • Action en responsabilité (art. 1240) : les associés majoritaires doivent être mis en cause, car eux seuls peuvent être condamnés à des dommages-intérêts.
  • Action en nullité (art. 1844-10) : l’action peut être dirigée uniquement contre la société, la nullité frappant l’acte social et non la personne des majoritaires.

Cette solution découle de la nature des sanctions. La réparation tend à indemniser un préjudice imputable aux majoritaires. La nullité sanctionne l’irrégularité de la décision elle-même. La fraude, y compris la fraude aux droits des minoritaires, peut fonder la nullité, au titre des causes de nullité issues du droit commun des contrats.

Portée et contexte de réforme

Bien que rendue à propos d’un groupement foncier rural, la solution est transposable à toutes les formes sociales. Elle clarifie les stratégies contentieuses en matière d’abus de majorité et renforce l’effectivité du contrôle judiciaire des décisions collectives.

Elle s’inscrit, en outre, dans un contexte d’évolution du régime des nullités. L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 modifie, à compter du 1er octobre 2025, certaines règles applicables. Pour les décisions antérieures, l’article 1844-10 demeure le fondement pertinent. La distinction entre responsabilité délictuelle et nullité conserve, quant à elle, toute son importance pratique.

Conclusion. L’arrêt du 9 juillet 2025 simplifie l’action en nullité pour abus de majorité : lorsque la demande ne vise que l’annulation des décisions, la mise en cause des majoritaires n’est pas exigée. En revanche, une demande de dommages-intérêts rend leur intervention nécessaire. Cet équilibre protège les minoritaires tout en respectant la logique des sanctions en droit des sociétés.