Conversion de la séparation de corps en divorce : le juge de la mise en état ne peut pas réviser la pension alimentaire
Seul le juge du fond est compétent pour réviser la pension alimentaire due au titre du devoir de secours après une séparation de corps. Le juge de la mise en état, même saisi au cours d’une instance en conversion, excède ses pouvoirs s’il statue sur cette demande.
Ce rappel de principe clarifie la pratique et invite à une vigilance accrue lors des demandes de modification des obligations alimentaires entre époux. Il confirme que la compétence est strictement encadrée par les textes et la procédure civile.
Une affaire après plus de vingt ans de séparation de corps
Plus de vingt ans après le prononcé de la séparation de corps, un époux assigne en conversion en divorce. Parallèlement, il saisit le juge de la mise en état pour obtenir une diminution de la pension alimentaire mise à sa charge lors de la séparation, en invoquant l’évolution des revenus et des besoins de son épouse.
Le juge de la mise en état rejette la demande, décision confirmée par la cour d’appel. Saisi d’un pourvoi, l’époux soutient que les éléments financiers n’ont pas été actualisés. La censure intervient toutefois sur un moyen relevé d’office : la demande était irrecevable car présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Fondements juridiques et portée
Premier fondement : lorsqu’il s’agit, après la séparation de corps, de modifier la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, la demande doit être portée devant le juge aux affaires familiales statuant au fond, par assignation ou requête distincte (C. civ., art. 303, al. 1 ; CPC, art. 1084, al. 1 et 1129). Il n’entre donc pas dans les attributions du juge de la mise en état de statuer sur cette modification au cours d’une instance en conversion.
Second fondement : l’article 1118 du code de procédure civile, qui autorise le juge à adapter des mesures provisoires en cas de fait nouveau jusqu’à son dessaisissement, est inapplicable. La pension alimentaire fixée lors de la séparation de corps est une mesure accessoire au jugement de séparation, et non une mesure provisoire prise pour la durée de l’instance en conversion.
Clarification des « casquettes » du JAF
Le juge aux affaires familiales peut intervenir comme juge du fond, juge de la mise en état ou juge des référés. Cette pluralité de fonctions, parfois exercées dans des instances impliquant les mêmes parties, exige de distinguer avec précision les compétences d’attribution. La révision de la pension postérieure à la séparation de corps relève exclusivement de la formation de jugement, saisie par une procédure autonome.
Conclusion. Cette solution met fin à une pratique consistant à traiter de manière « unitaire » la demande de révision au sein de l’instance en conversion par le juge de la mise en état. La voie correcte est la saisine distincte du juge du fond, même lorsque la procédure de conversion en divorce est en cours. L’exigence renforce la sécurité juridique des parties et garantit le respect des règles procédurales prévues par la loi.